Dans son rapport sur l’alcoolisme en France, Hervé Chabalier soulignait l’importance de "l’émergence de relais d’opinion sur la question pour relancer la politique de santé publique en matière d’alcool." L’alcool est la deuxième cause de mortalité en France, mais bénéficie toujours d’un regard plus conciliant contrairement à la cigarette. Retour sur un vrai problème de société.

Cinq millions de Français sont des consommateurs d’alcool réguliers ! À l’origine de 45.000 décès en moyenne par an, dont plus de 10.000 cancers et 9.000 cirrhoses, l’alcool est un véritable fléau qui touche toutes les générations. Tous les ans, 6.000 enfants en moyenne naissent avec des malformations causées par une consommation régulière d’alcool durant la grossesse. 600.000 femmes sont des alcoolo-dépendantes.

Les Français et l’alcool : le problème est grave
 
Les     chiffres    parlent     d’eux-mêmes…  Les Français ont un problème avec l’alcool qui fait partie depuis des générations de leur culture. On l’associe volontiers au terroir, aux traditions préservées, à la gastronomie qui font notre renommée partout dans le monde. C’est l’adjuvant aux plaisirs festifs, aux bons moments entre amis, au savoir-vivre. 42,5 millions de Français avouent consommer de l’alcool durant l’année. 39,4 millions sont des consommateurs réguliers (3 fois par semaine pour les adultes, 10 fois par mois pour les adolescents). En 2005, 15 % des adultes ont reconnu avoir eu une période d’ivresse. On estime que deux millions de Français sont des alcoolo-dépendants. La France est l’un des pays qui consomme le plus d’alcool en Europe. Le vin est évidemment le préféré des 18-75 ans. Le premier verre est consommé dès 14. Les conséquences, quant à elles, font peur :

– Entre 700 et 3.000 enfants susceptibles d’être atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale à l’origine de graves handicaps
– 1 accident du travail sur 5 est lié à l’alcool
– 1 accident de la route sur 3 est imputable à l’alcool (900 décès en 2004)


Les jeunes, cible privilégiée des alcooliers

19 % des adolescents de sexe masculin de 17 à 19 ans sont des buveurs réguliers. L’ivresse est recherchée ; elle est souvent associée à la prise d’autres produits comme le cannabis et l’ecstasy. Première cause de mortalité chez les 15-30 ans, l’alcool est aussi à l’origine de comportements extrêmes : relations sexuelles non-protégées, suicides et violences. Entre 2000 et 2003, les études révèlent une hausse de la consommation d’alcool de 4,4 % chez les jeunes, passant de 10,9 % à 14,5 %. Le rapport Chabalier rappelle d’ailleurs que les jeunes, cible privilégiée que les alcooliers souhaitent fidéliser.

Alors que la consommation de tabac a été ramenée entre 2000 et 2003 de 41,9 % à 38,1 % chez les personnes âgées de 17 ans, la consommation d’alcool décolle, en 2003, passant de 16 % à 21,2 %. La montée en puissance des Premix et des alcopops est éloquente en France. Ces produits dérivés rendent flou la distinction entre boisson alcoolisée et non-alcoolisée….

Placés dans les rayons des jus de fruits et des sodas dans les grandes surfaces, ils séduisent même les parents qui en achètent pour les fêtes et anniversaires de leurs enfants. Boire un Premix revient pourtant à consommer une bière de 25 cl, 4 cl d’alcool fort ou un verre de vin. Les jeunes sont aussi en première ligne sur la route. 38,5 % des accidents de la route concernaient un jeune âgé entre 18 et 24 ans, soit presque 1 tué par jour. Certes les chiffres s’améliorent nous dit la Sécurité routière. Mais avec 1.300 tués, 31.666 blessés graves et 8.982 blessés légers, le bilan demeure lourd… La hausse des accidents dus à l’alcool chez les 18-24 ans est toujours d’actualité !

L’alcoolisme a un coût social exorbitant

L’alcoolisme a évidemment des répercussions économiques importantes pour la collectivité : plus de 17 milliards d’euros soit 1,42 du PIB. Avec un bilan dramatique : 45 000 décès prématurés et environ 60 000 autres imputables à l’alcool. À titre de comparaison, le coût social du tabac représente 0,8 % du PIB, celui des stupéfiants 0,16 % du PIB. Les discours simplistes consistent à dire que légiférer est une atteinte à la liberté individuelle. Mais pourquoi alors avoir légiféré aussi sévèrement sur la cigarette ? La même logique devrait donc s’appliquer à ce qui nuit à la santé publique et à la collectivité en général, d’autant plus que la lutte conte le cancer est l’une des priorités du Président de la République. Il faut croire que le lobby économique pèse lourdement dans la balance des décisions. Le marché des alcools génère en moyenne un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros.

Il représente 60 % de l’excédent des échanges commerciaux agroalimentaires en France. Prendre des mesures aussi répressives que celles contre la cigarette est-il concevable dans notre pays, qui est rappelons-le le cinquième producteur européen ? Il y a là une hypocrisie évidente qui montre que les logiques économiques l’emportent sur la santé publique. La lutte contre l’alcoolisme passe sans doute par des prises de consciences. Mais peut-on lutter efficacement contre un tel fléau ? A priori non si nous considérons les simples faits suivants. Le budget de communication de tous les alcooliers réunis, hors presse gratuite, était en 2003 de 237 505 000 euros selon TNS Media Intelligence. Le budget de communication de l’INPES pour la prévention était, en 2005, de 4,5 millions d’euros seulement. Une goutte d’eau dans les 13,1 litres d’alcool pur consommés par habitant de 15 ans ou plus durant l’année (chiffre 2004) ! Même si désormais l’Irlande et la Tchéquie devancent la France en matière de consommation d’alcool en Europe, il y a de quoi être perplexe tant l’engagement citoyen sur la problématique de l’alcool demeure faible en France.

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