« Trop d’informations tue l’information » : c’est ce qu’on apprenait encore il y a quelque temps aux étudiants en Communication. La pensée de Gregory Bateson semble aujourd’hui paradoxale si l’on considère la surabondance d’informations que nous offre le monde hyper connecté. Depuis de nombreuses années, le capitalisme surfe sur la même vague : l’économie de l’attention.

De l’industrialisation massive à l’intronisation de la société de consommation de masse, l’attention est une valeur fondamentale pour l’économie. Elle est au cœur de toutes les stratégies Marketing. Les nouveaux media qui nous sollicitent en continu accélèrent ce phénomène économique. La diffusion en temps réel de milliers d’informations implique « du temps de cerveau disponible ». L’attention devient ainsi une ressource rare comme le silence.

Vers la raréfaction de l’attention

Mais quels sont les risques voire les dangers de pénétrer les consciences en permanence ? Qui dispose du recul nécessaire pour évaluer la pertinence des informations qu’il ingurgite ? Si certains évoquent la googlisation des esprits, la hausse de la distraction, d’autres soulignent le défaut de concentration dû à une sur-sollicitation du cerveau. Ce qui entraînerait une raréfaction de l’attention.

L’essor de la technologie permet de nombreux progrès bénéfiques dans tous les domaines. C’est un fait indéniable. Mais l’hyper connexion ne tend-elle pas à virtualiser notre rapport au monde ? Comme le suggère fort bien Matthew Crawford (Éloge du carburateur, Contact), nous sommes au monde à travers des écrans connectés. Nous le regardons mais nous ne le voyons plus réellement.

Dans nos sociétés développées où l’hyper individualisme tend à ne reconnaître que la singularité, comment envisager nos interactions futures, notre rapport au monde ? Certains chercheurs en sciences sociales montrent à travers leurs études que l’infobésité nous rendrait moins attentifs, moins empathiques. Internet serait un environnement qui encouragerait la pensée rapide et éphémère (Cf. Katherine Hayles). Sommes-nous en mesure de repenser le paradigme éducatif pour créer un environnement qui favorise la pensée linéaire complexe ? Car les risques sont réels : saturation entraînant le blocage de décision, pertes de mémoire, monde anxiogène, altération du jugement, perte de créativité, manque de sommeil, burn-out, diminution de la motivation, désengagement, baisse de la productivité…

Le défaut d’attention déjà pointé du doigt

Est-ce étonnant de lire dans la presse que l’Éducation Nationale a souhaité mettre en place, à la rentrée 2017, des ateliers d’apprentissage de l’attention pour les élèves de la maternelle à la cinquième ? Le constat établi est le suivant : l’attention de nombreux enfants scolarisés est distraite et portée sur différentes choses en même temps. Ils ne peuvent, de ce fait, être vraiment connectés à ce qu’ils sont en train de faire. En entreprise, le manque de concentration ou la perte d’attention devient également une problématique forte. On essaie d’évaluer ainsi l’impact de la charge mentale ou de la surcharge mentale chez les salariés. Une étude de TNS-Sofres de 2015 auprès de 60 500 internautes de 16 à 30 ans, révèle que ceux-ci passeraient en moyenne deux heures par jour sur leur smartphone soit une journée par semaine. Une autre étude réalisée par Kapersky Lab soutient que l’usage du smartphone au travail réduit la productivité de 26 % et s’avère un frein à la concentration.

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